L'histoire de la Flore d'Afrique centrale

Exploration du Congo et études précurseures (1885–)

Lors de la création de l’Etat Indépendant du Congo (1885) gouverné par le Roi Léopold II de Belgique, son secrétaire d’Etat, le Baron van Eetvelde passa un accord avec le Jardin botanique de l’Etat pour rassembler et étudier au Jardin les spécimens d’herbier en provenance du Congo. Frans Hens, un peintre d’Anvers, fut le premier Belge à collecter des spécimens de plantes (1887-1888) au Congo (dont l’exploration avait commencé avec le Britannique Christian Smith en 1816, suivi par plusieurs Britanniques et Allemands, comme Cameron, Schweinfurth, Büttner, Pogge). D’autres belges comme Fernand Demeuse (1891-1893; dont des milliers de spécimens furent cependant perdus dans un naufrage), le père Justin Gillet (1893-1943) et Emile Laurent (1893 et 1895-1896) furent des pionniers de la Botanique au Congo.

À la même époque (1895-1896) Alfred Dewèvre fut chargé de la première mission officielle de prospection botanique par l’état Indépendant du Congo; son voyage qui aurait du durer deux ans, fut écourté en raison des problèmes de santé, et il mourut au Bas Congo avant de pouvoir s’embarquer; ses collections (environs 1200 numéros) restèrent sans étiquette jusqu’à la redécouverte de ses notes de terrain en 1965.

Entretemps Emile De Wildeman assistait Théophile Durand dans l’étude de la flore du Congo. La publication d’un livre sur les résultats de l’expédition susmentionnée de Laurent, richement illustré de belles gravures de plantes du Congo, fut une de ses réalisations (De Wildeman 1905-1907). Il continuera l’étude des plantes d’Afrique centrale pendant environ cinquante ans, publiant 491 articles et livres et décrivant pas moins de 3000 nouvelles espèces.

Dès 1909, un premier inventaire, le Sylloge Florae Congolanae (Durand & Durand 1909), résumait l’état de connaissance sur la flore du Congo.

En 1934 l’herbier du Musée du Congo (Tervuren) comprenant notamment les collections de Corbisier-Baland fut transféré au Jardin. La période 1935–1970 fut certainement la plus prolifique dans l’exploration botanique du Congo, essentiellement grâce à l’activité de deux instituts. L’INEAC (Institut National pour l’Etude Agronomique du Congo) dont un département de botanique, avec ses multiples stations de recherche (Luki, Mulungu, Yangambi, ...), s’occupait de l’inventaire botanique global à travers le pays. De nombreux collecteurs, comme Devred, Gilbert, A. Léonard, J. Léonard, Pierlot y contribuèrent. Parmi eux c’est sans aucun doute Jean Louis qui assembla, de 1935 à 1939, la plus belle collection du Bassin du Congo (environ 17.000 spécimens avec des étiquettes très complètes, tous représentés par deux planches à BR). D’autre part l’Institut des Parcs Nationaux du Congo mena une exploration systématique des Parcs Nationaux (à laquelle participèrent notamment de Witte, de Saeger, Lebrun, Troupin). A cette époque les champignons d’Afrique centrale étaient étudiés au Jardin par M. Beeli; Goossens-Fontana exécuta de très aquarelles de champignons du Congo. Le couronnement de leur travail fut la “Flore iconographique des champignons du Congo” (17 volumes, continuée ensuite sous le titre “Flore illustrée des champignons d’Afrique centrale”, puis à partir de 2007, sous celui de “Fungus Flora of tropical Africa”). Le Jardin contribua également à l’étude des algues et des mousses d’Afrique tropicale.

La Flore du Congo Belge et du Ruanda-Urundi (1948–1963)

L’initiative de la flore de l’Afrique centrale en plusieurs volumes développée par W. Robyns (voir photo) a été approuvée en 1942, après deux tentatives infructueuses (1927, 1935). Le premier volume de la «Flore du Congo Belge et du Ruanda-Urundi» [1] parut en 1948. Il fut publié par l’INEAC, mais des organismes belges (Jardin botanique national, ULB) ont participé activement au projet. Le plan initial divisait la Flore en quatre sous-séries (Spermatophytes, Ptéridophytes, Bryophytes et Thallophytes). Cependant, rien n’a jamais été publié en ce qui concerne la dernière catégorie.

Les volumes suivant un ordre systématique, inspiré essentiellement du Syllabus d’Engler commencèrent avec les Gymnospermes et les Dicotylédones. Dix volumes sur les Spermatophytes parurent de 1948 à 1963 (volumes I à X). 

Fascicules par famille (1963–2005)

En 1963, après l’indépendance des pays concernés et la fermeture de l’INEAC, le Jardin botanique National prit le contrôle du projet. Avec l’option de poursuivre la série en fascicules de famille séparés, il abandonna l’ordre systématique. Cinq botanistes de l’ex-" cellule Flore " de l’INEAC furent transférés au Jardin botanique national (Paul Bamps, Raymond Boutique, Jean Léonard, Louis Liben et Auguste Taton). Après leur retraite les postes vacants ne furent pas dévolus à la flore d’Afrique centrale.

En outre, un travail précurseur de fond fut jugé nécessaire pour la plupart de grandes familles en attente de traitement, ce qui amenant à donner la priorité aux monographies botaniques. Celles-ci furent jugées nécessaires notamment aux Acanthaceae et aux Rubiaceae.

Entre 1963 et 2005, 72 fascicules de familles de plantes à fleurs et quinze de Ptéridophytes furent publiés, certains traitant de familles très importantes comme les Orchidées (1984, 1992) et les Scrophulariaceae (1999). Certaines familles majeures de plantes restent à traiter, comme les Poaceae, les Cyperaceae, les Lamiaceae et les Rubiaceae. Le taux d’espèces encore à traiter est donc élevé, probablement au moins 40%[2].

Revitalisation (2010–)

En 2010, le Jardin décidait de revitaliser la Flore d'Afrique centrale. Tous les volumes publiés jusqu'en 2005 ont été numérisés et mis à disposition sur le web. En 2013, un nouvel éditeur coordinateur a été nommé, un format moins élaboré a été adopté, le Comité de Rédaction a été élargi, une nouvelle couverture a été conçue et un nouveau réseau international d'experts a été créé. Le but était de terminer la série dans une période de 15 ans. De 2014 à 2023, 47 nouveaux fascicules ont été produits et plusieurs autres sont à venir.

 


[1] Le nom a été souvent modifié en raison des circonstances politiques. À l’heure actuelle, la série est publiée sous le Flore d’Afrique centrale (Congo-Kinshasa - Rwanda - Burundi).

[2] J. Léonard (Statistiques des Spermatophytes de la Flore d’Afrique centrale de 1940 à 1990. Bull. Jard. Bot. Nat. Belg. 63 : 181-194. 1994) a estimé le nombre total de plantes vasculaires dans la dition de la Flore à environ 10.000, dont environ la moitié de ce nombre a été traitée en 1990. À ce jour, le nombre estimé a augmenté à 11.000.

 

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