Communiqué de presse
 

S’accrocher à ses racines : Les scientifiques se battent pour sauver l'identité de la patate douce

Meise, 5 janvier 2021
 

  • 40 experts, dont un scientifique du Jardin botanique de Meise,  se sont réunis pour sauver le nom latin de la patate douce
  • Un changement de nom coûterait cher à l'industrie alimentaire et entraînerait des difficultés.
  • Les mesures visant à préserver le nom actuel permettront au secteur agricole de sauver des millions de dollars, d'assurer les récoltes pour l'avenir et de contribuer à la conservation des espèces sauvages apparentées aux cultures.

 

Dans un nouvel article, publié dans la revue Taxon, 40 scientifiques experts de la patate douce ont collaboré pour préserver le nom scientifique de cette plante : Ipomoea batatas.

La patate douce appartient à la famille des Convolvulacées, qui comprend également les mauvaises herbes bien connues telles que liseron des haies et le liseron des champs. La patate douce fait partie d'un grand groupe de 900 espèces du genre Ipomoea, qui comprend également les plantes ornementales connues sous le nom de Belles-de-jour. Ces espèces apparentées, qui constituent ses cousins sauvages, sont essentielles pour comprendre les caractéristiques de survie de la patate douce et pour identifier de nouvelles cultures potentielles qui pourraient être mieux adaptées aux changements climatiques.


Depuis les années 1970, l'espèce utilisée pour définir le genre Ipomoea (appelée "espèce type") est très éloignée de la patate douce. Lorsque de nouvelles avancées en matière de classification des plantes basées sur l'ADN ont menacé de diviser le genre en plusieurs groupes et de renommer la patate douce, de graves inquiétudes ont été soulevées par le secteur agricole, qui dépend de centaines de milliers d'échantillons de patates douces et de Belles-de-jour dans le monde entier pour la sélection et l'amélioration des cultures.  



Un changement du nom scientifique de la patate douce entraînerait de nombreuses mises à jour de la législation et des lignes directrices en matière de santé et de sécurité ainsi que des mises à jour administratives, d'emballage et de commercialisation pour les entreprises qui commercialisent ces espèces, ou l'un de leurs sous-produits. Tout cela coûterait énormément d'argent et perturberait l'industrie alimentaire.


Un exemple bien connu de cet impact négatif est le changement du nom scientifique de la tomate, qui a récemment provoqué la frustration des scientifiques et des industriels de la culture, qui ont dû faire face à des coûts et à une bureaucratie inattendus pour s'adapter à ce changement.

 

Neuf espèces d'Ipomoea liées à la patate douce cultivée (Ipomoea batatas), dont Ipomoea triloba du Brésil, ont été ciblées pour la récolte de graines dans le cadre du projet "Adaptation de l'agriculture au changement climatique" (Crop Wild Relatives) qui vient de se terminer.

Cultivée principalement dans les Caraïbes, en Afrique subsaharienne et en Asie de l'Est et du Sud-Est, la patate douce est la septième culture vivrière du monde et est donc cruciale en termes de sécurité alimentaire mondiale. Les sélectionneurs cherchent à exploiter la diversité génétique des parents sauvages de la patate douce pour rendre cette culture plus tolérante à la sécheresse et plus résistante aux maladies. 


Dans l’étude publiée, les scientifiques, le Dr Lauren Eserman (Atlanta Botanical Garden) et le Dr Ana Rita Simões (Royal Botanic Gardens, Kew), ont réuni un réseau d'experts de la patate douce, dont Marc Sosef du Jardin botanique de Meise,  pour trouver une solution aux problèmes que représenterait un changement de nom. Ils proposent de conserver une "espèce type" différente pour Ipomoea, en sélectionnant un parent proche de la patate douce qui garantirait le nom actuel de l’espèce cultivée tout en permettant de renommer éventuellement certains groupes d'espèces qui ne sont pas aussi étroitement liées.

Dr. Marc Sosef explique : Les changements de noms scientifiques des plantes et des animaux sont souvent considérés comme problématiques, et certains pensent même qu'ils sont inutiles. Cependant, ils sont le résultat de recherches scientifiques approfondies sur les organismes vivants qui peuplent notre planète, et de notre volonté de comprendre leur évolution et leurs interrelations. Les noms constituent un élément crucial des tentatives de créer une classification naturelle reflétant les processus d'évolution, et une meilleure compréhension révèle parfois des conclusions erronées faites dans le passé, qui peuvent à présent être corrigées. Normalement, de tels changements de noms sont "business as usual", mais dans le cas où cela concerne une espèce aussi importante que la patate douce, les règles internationales de nomenclature nous offrent quelques astuces pour essayer de limiter les dommages causés à la société. C'est un bel exemple de cas où les scientifiques essaient de répondre aux besoins des acteurs notamment commerciaux de notre société. J'espère qu'ils apprécieront !

 

Lien vers l’article : https://doi.org/10.1002/tax.12400 


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