[Science News] - Quand un terrain de golf aide à sauver une plante menacée

lun. 30 juin

L’agriculture intensive a fortement réduit les habitats naturels dans nos campagnes, mettant en péril de nombreuses espèces végétales. Parmi celles-ci, la primevère acaule (Primula vulgaris) est une espèce végétale qui, autrefois, poussait abondamment aux abords des haies et des prairies dans la région de Bruges, en Flandre. Aujourd’hui, elle ne subsiste plus que par petits groupes isolés dans un paysage qui se transforme progressivement en zone de culture de maïs. 

Pour préserver cette espèce dans la région, les gestionnaires locaux en collaboration avec une doctorante de la Vrije Universiteit Brussel (VUB), Anja Van Geert, ont tenté une expérience originale : réintroduire la primevère sur un terrain de golf ! Des jeunes plants, issus de croisements entre individus et provenant de différentes zones agricoles, ont été installés à cinq emplacements répartis le long du parcours de golf du Damme Golf and Country Club. L’objectif ? Vérifier si un tel environnement pouvait accueillir durablement cette primevère, préserver sa diversité génétique et renforcer les échanges avec les populations sauvages encore présentes aux alentours.

Ludwig Triest de la VUB et Fabienne Van Rossum du Jardin botanique de Meise ont étudié les populations du golf et des alentours 15 ans après les premières plantations. Les résultats de ce travail ont été publiés dans la prestigieuse revue Annals of Botany qui a également dressé un portrait de notre chercheuse sur Instagram. Les résultats montrent que les plantations ont permis d’augmenter significativement le nombre de plantes de cette primevère dans la région, qui représentent un tiers des individus reproducteurs dans la zone. Les nouvelles populations du golf présentent une diversité génétique similaire et représentative des populations sauvages, préservant ainsi la diversité génétique de populations qui ont depuis disparu. Leur présence a permis de renforcer les échanges de pollen entre populations à des distances de plus d’1 km, même si certaines barrières à la dispersion des pollinisateurs existent toujours. 

Mais tout n’est pas rose pour autant. De nombreuses populations restent vieillissantes avec peu de jeunes plantes, et les scientifiques ont observé une baisse de la diversité génétique au fil du temps. Cette tendance pourrait mettre en danger la survie à long terme de l’espèce si rien n’est fait pour y remédier, notamment pour rajeunir les populations en favorisant la germination et l'établissement de nouveaux individus tout en facilitant les mouvements des pollinisateurs entre populations pour optimiser la diversité génétique.

Malgré ces défis, cette étude montre que des espaces récréatifs comme les terrains de golf, lorsqu’ils sont aménagés de manière respectueuse de la biodiversité, peuvent jouer un rôle précieux dans la sauvegarde d’espèces menacées. À condition d’y introduire un nombre suffisant de plantes et de bien choisir leur emplacement de façon à recréer un réseau de populations connectées entre elles grâce aux pollinisateurs.


En savoir plus : https://doi.org/10.1093/aob/mcaf066