[Science News] - L’origine des graines influence aussi la croissance des descendants post-translocation, malgré le brassage génétique

mar. 28 mai

Dans le cadre du Programme Life Herbages, le Jardin botanique de Meise a apporté son expertise scientifique afin de renforcer des populations relictuelles et de restaurer des populations éteintes de plusieurs espèces de plantes rares, en réalisant des translocations végétales, c’est-à-dire en introduisant du matériel végétal (jeunes plants) dans les sites à restaurer.

Dans un article récent, les chercheures du Jardin botanique de Meise ont évalué le succès des réintroductions d’une des espèces concernées par ce projet, la campanule agglomérée (Campanula glomerata). Ils ont étudié comment le brassage génétique entre transplants obtenus à partir de graines provenant de cinq petites populations (dites sources), proches géographiquement mais différenciées génétiquement, pourrait affecter la capacité adaptative des générations post-translocation (apparues après la translocation).

A cette fin, elles ont examiné la qualité de la première génération de descendants produite par les transplants dans deux sites de translocation. Des graines ont été récoltées sur des transplants et germées en chambre contrôlée au Jardin botanique de Meise. La croissance des juvéniles a été suivie pendant deux mois en serre, tandis que des analyses ADN (microsatellites), en collaboration avec l'unité Eco-Evo-Paleo (UMR-CNRS 8198) de l'Université de Lille (France), ont permis d’estimer le taux de consanguinité des descendants et d'identifier la population source de leur parents.

Les résultats montrent un effet de l'environnement du site de translocation sur la performance reproductive des transplants, en particulier sur la production de fleurs et la germination des graines. Les deux sites de translocation diffèrent par le sol (plutôt marneux ou sableux) et par la végétation (composition, couverture), ce qui peut se traduire par des différences de disponibilité en eau et en nutriments, d'ombrage, de compétition interspécifique et de services de pollinisation.

De forts effets maternels ont aussi été mis en évidence sur la croissance des jeunes plantes, en lien avec l'origine et la lignée des transplants maternels, les différences se maintenant pendant toute la période de mesure. Les plus grands transplants maternels produisent également les plus grands descendants, ce qui suggère que les effets maternels ont une base génétique. Ces résultats signifie que l'origine des transplants maternels, en particulier quand les graines sont issues de petites populations fragmentées, potentiellement adaptées à des conditions d’habitats dégradés, pourrait avoir un effet sélectif sur la capacité d’adaptation des générations post-translocation, malgré des preuves de brassage génétique entre transplants d’origines différentes.

Les chercheures ont également trouvé de la dépression de consanguinité dans les premiers stades de développement des plantes, mise en évidence par une taille de plante réduite quand le taux de consanguinité est élevé, et par de la mortalité juvénile. Dans des conditions de terrain, donc dans des conditions hydriques plus stressantes que dans une expérience en culture, on peut s’attendre à ce que les effets de la dépression de consanguinité soient plus sévères.

Si les effets maternels et la dépression de consanguinité persistent jusqu'au stade adulte et au fil des générations, la diversité génétique globale des populations réintroduites pourrait changer sur le long terme. Un brassage génétique supplémentaire dans les générations suivantes pourrait atténuer ces effets maternels et de consanguinité ou, au contraire, conduire à une rupture des interactions entre gènes coadaptés, et donc à des plantes à capacité adaptative moindre.


Source: Van Rossum F., Le Pajolec S. 2024. Maternal effects and inbreeding depression in post-translocation progeny of Campanula glomerata. Plant Biology 26, 427–436. https://doi.org/10.1111/plb.13631 

 

Photos : Fabienne Van Rossum et DJ Parmentier