Communiqué de presse

 

Le mystère de l'amanite de Bweyeye

 

Meise - 27/06/2019

Jérôme Degreef est scientifique et mycologue au Jardin botanique de Meise. Lors d’une de ses missions de collecte de champignons au Rwanda, il a été étonné de constater que les habitants du petit village de Bweyeye cueillaient d'énormes quantités de champignons du genre Amanita. Mais surprise, ces champignons ressemblaient ‘comme deux gouttes d’eau’ aux amanites phalloïdes tempérées connues pour être mortelles et pourtant les personnes les mangeaient sans tomber malades !

Si, parmi les 500 espèces d'Amanita connues dans le monde, beaucoup sont comestibles, celles de la section Phalloideae à laquelle le champignon de Bweyeye se rattachait assurément, sont connues dans le monde entier pour être très toxiques voire mortelles comme l’est l'amanite phalloïde (Amanita phalloides).

Comment se fait-il alors que les populations locales ne sont pas affectées par la consommation de ce champignon ? L’amanite récoltée à Bweyeye contient-elle des toxines ? Si oui, pourquoi les personnes peuvent-elles les consommer sans tomber malade ? Ces personnes ont-elles dans leur système digestif des enzymes leur permettant de digérer les toxines ? Ou est-ce la manière de préparer ou de cuisiner ces champignons qui atténuent ou suppriment leur toxicité ? A moins qu’une mutation génétique ait fait apparaître une lignée comestible au sein d’une espèce connue pour être mortelle ?…

Toutes les hypothèses pouvaient être formulées. C’est ainsi qu’a débuté une longue enquête pour résoudre ce qui allait devenir le « mystère de l’amanite de Bweyeye ». Les résultats ont  fait l’objet d’un article scientifique détaillé, disponible en libre accès sur https://mycokeys.pensoft.net/article/34560/ (*).

Assez rapidement, des analyses chimiques ont confirmé l’absence des toxines dans les spécimens récoltés. Dans un deuxième temps, l’étude de l’ADN a montré qu’il s’agissait d’une nouvelle espèce pour la science. Elle a été dénommée Amanita bweyeyensis en reconnaissance de la contribution des habitants du village de Bweyeye dans cette importante découverte scientifique. Enfin, à la surprise des chercheurs, les analyses moléculaires ont démontré que l’espèce possédait bien les gènes responsables de la production des toxines. L’absence de ces dernières dans les tissus du champignon s’explique par le fait que les gènes en question ne s’expriment pas. C'est la première fois que la communauté scientifique est en mesure de démontrer qu'une espèce génétiquement capable de produire des toxines ne le fait pas réellement ou a perdu cette capacité.

(*) Fraiture A, Amalfi M, Raspé O, Kaya E, Akata I, Degreef J (2019) Two new species of Amanita sect. Phalloideae from Africa, one of which is devoid of amatoxins and phallotoxins. MycoKeys 53: 93-125. https://doi.org/10.3897/mycokeys.53.34560

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